"il n’est pas question de livrer le monde aux assassins d’aube" (Aimé Césaire)

"il n’est pas question de livrer le monde aux assassins d’aube" (Aimé Césaire)

samedi 3 décembre 2022

 L’homme qui marchait sur les traces d’un « soupçon de Bonté »

A Christian Bobin


Il est mort, le poète qui décapait l’ordinaire pour révéler l’extraordinaire et fouillait dans le « très bas » pour déterrer des étoiles. Est-ce un hasard, s’il s’appelait Christian, ce poète qui, dans un monde dégoulinant de cynisme, ne craignait pas de déclarer qu’il y avait un « soupçon de Bonté » ? J’écris Bobin et je pense Beau-bien. En sismographe du subtil, Christian Bobin transcrivait avec simplicité et beauté les vibrations qu’il captait. Il se présentait comme simple messager d’une poésie qui venait d’ailleurs. Inspiré, il devenait le canal d’une parole vraie et crépitante de vie. Libre, il était ce roi bardé de paradoxes qui guerroyait sous l’emblème de la douceur, cultivait le « détachement par amour » et révélait les « ténèbres lumineux ». Celui qui disait ne rien savoir avait l’art de descendre dans l’éblouissant des nuits et d’y extraire un élixir de joie à offrir au monde. Avec lui, on pouvait voir que rien n’est insignifiant et que tout est passionnant. Sans snobisme, il envoyait valser la culture. Et pourtant, il en avait de la culture. Se méfiant du spectaculaire et évitant « le pain rassis des idées », ce quêteur au langage dépouillé de coquetterie allait aussi loin que pouvait le permettre la pointe de sa plume. Soucieux du mot juste, il était sur le fil du langage comme un funambule bégayant superbement sur la corde. Dans la profondeur des choses minuscules et fragiles, il débusquait des mondes insoupçonnés. Il était le magicien qui soulevait la croute du quotidien pour ouvrir à un réel plus beau que le rêve. Avec lui, le banal n’existe pas. Sous son regard, dans sa parole, d'une façon extraordinairement simple, tout devenait neuf et pétillant. 

Chassant systématiquement la poussière de la fausse gloire, il travaillait à capter la « pensée scintillante », la poussière d’or qui nage dans la lumière des êtres et des choses. D’un éclat de rire, il lézardait sa parole pleine de gravité, brisant ainsi la glace de l’esprit capable de se prendre au sérieux. Oui, il savait rire, rire aux éclats, même si la souffrance était là, bien là, comme une confiture de fruits grenat sur la mie de sa peau, une mie aux pores ouverts comme des ouïes. La sainteté, disait-il, c’est épouser la lumière sans l’entraver, c’est « suivre les veines du bois de la vie ». On pourrait le qualifier de poète mystique, ce pratiquant dont la philosophie n’avait rien de triomphant. Cette philosophie n’était rien d’autre qu’exercice de souplesse pour apprendre à danser avec une vie sans commencement ni fin. Sa Sagesse était zéphyr. Sa poésie est éloge d'une vie célébrée jusque dans la mort qui, tel le serpent qui se mord la queue, se transmue en Vie. Habité par la certitude qu’il n’y a rien de définitif, nulle part, il décrivait la mort comme une rivière qui s’enfonce sous terre pour rejaillir ailleurs.

    Il est le mort le roi de l’oxymore qui parlait de « pelote de soleil ». Il est mort mais je l’imagine jaillissant dans cet ailleurs de Bonté qu’il soupçonnait.

    Adieu l’ami qui ne me connaissait pas. 

   


 


vendredi 2 décembre 2022

 

Les zoonorables députés de notre l’Assemblée nationale

Les Sénégalais n’en peuvent plus du spectacle qu’offrent les élus censés les représenter honorablement. Mais d’où sortent ces drôles de zozos qui déambulent dans l’hémicycle, sapés comme jamais, jurant comme des charretiers et se battant comme des chiffonniers. A tous les niveaux, l’éducation s’effrite, se disloque, disparaît. Les intellectuels, on s’en moque. Les livres, on les a jetés par-dessus bord et la pirogue de notre cher Sénégal vogue dans une mer sans poissons. Il n’y aura pas de pêche miraculeuse. La négligence se paye. L’esprit a sombré dans les abysses de ventres creux, la parole s’est perdue dans les borborygmes des boyaux. Et ça gesticule et ça hurle, ça n’a plus rien de féminin. Et ça griffe et ça frappe, ça n’a plus rien d’humain. C’est œil pour œil, dent pour dent. L’involution assumée. Les habits se déchirent, les chaises s’envolent, les perruques aussi. Les ors de la République sont ridicules dans la poussière des bagarres. Une marée d’insultes emporte ce qui restait de décence. Le roi est nu sous la clameur des zoonorables députés. Quelle tragédie !

A l’instar de Diogène qui, se promenant dans Athènes avec une lanterne allumée en plein jour, disait chercher un homme, on serait tenté de chercher nit dans la densité des ténèbres qui ont envahi l’Assemblée nationale. Où sont donc passés la pudeur, la dignité et ce sens de l’honneur répétés à satiété dans les discours sur les vertus cardinales des Sénégalais ? Qu’avons-nous fait de la valeur travail ? L’image que nos zoonorables députés renvoient à nos enfants dit ceci : Pour occuper de hauts postes, nul besoin d’instruction, de culture générale et autres… Ne vous encombrez pas avec de la classe, c’est un fardeau inutile. Aiguisez votre langue, soyez grande-gueule et sans scrupules. Allez-y au culot. N’ayez pas peur du ridicule, ne craignez pas de descendre dans la fosse. Dotez-vous de la force du lion. Croyez au règne du corps.

Député, vous avez dit député, comme je suis dépitée !

Triste spectacle de corps à corps dans l’arène de l’Assemblée nationale devenue le miroir de tout un État. J’ai mal à mon Sénégal gagné par l’obscurantisme. Nos zoonorables députés sont-ils en train de transformer le pays de la téranga en réserve d’insanités ?

Article publié sur Seneplus le 1er décembre 2022

 





samedi 30 avril 2022

 Interview TV5 monde sur "Qui suis-je sans mari ?"

Film traitant de la perception de la femme célibataire au Sénégal



Invitée par Denise Epoté pour parler de mon documentaire que TV5 a diffusé lors de la Journée Internationale de la Femme, je confie ce qui m'a poussée à faire ce film.


vendredi 10 septembre 2021

Une pandémie qui conduit au pèlerinage

Participation #SilenceDuTemps in SENEPLUS

DR. Paroles Tissées Editions

Une pandémie qui conduit au pèlerinage

Un vent de pandémie souffle. Dans les pays où il fait gris et froid, dans les pays où le soleil rit tout le temps, ce vent souffle et par milliers des hommes tombent. L’on se confine pour ne pas être touché. Une distance se creuse et le temps ne s’écoule plus dans sa fluidité naturelle, il s’est transformé en goutte-à-goutte. Le monde retient son souffle et chaque minute vaut son pesant d’or. L’heure est grave, enfin ! L’heure est grave, à la bonne heure ! Je ne peux pas croire que ce vent qui tue est complètement mauvais. Il est impossible qu’aucune poussière de lumière ne l’habite. Et s’il infectait pour aussi désinfecter, dégradait pour également réparer ?

Un vent de pandémie souffle. Le couvre-feu a calciné moult plans et les déprogrammations ont accouché d’un désert. Cela saute aux yeux que l’on ne sait pas grand-chose, que l’on n’est pas grand-chose et qu’une invisible petite chose pourrait rayer l’homme de la carte. Face au covid ni nom, ni couleur de peau, ni fortune, ni notoriété n’offrent de dispense. Pour s’en tirer, il y a obligation de se soutenir en permettant à celui qui ne vous ressemble pas de s’immuniser. L’homme qui a soif entend mieux l’appel de la quête vers l’oasis qui désaltère l’âme. Son pèlerinage intérieur va pouvoir commencer. Pour avancer, il devra égorger le soleil de la vanité et faire gicler le sang crépusculaire des idoles. Il lui faudra lâcher les illusions et commencer à marcher, pieds et cœur nus, vers tout ce qu’il a oublié. Qui sait ? Peut-être que derrière les dunes de l’espérance attend un soleil sans mirage, le soleil vermeil de la renaissance.

 Une pandémie qui déshabille

Un vent de pandémie souffle. Les oripeaux s’envolent et le roi est nu. Les Soleils des indépendances sont encore plus pâles au temps du corona. Face au fléau, le comportement des grandes puissances doit à jamais servir de leçon. Les miroirs se fissurent et la vérité apparaît dans toute sa cruauté. Un virus empêche le monde de tourner en rond et affiche au grand jour l’impuissance des uns et des autres. Un minus dévore le temps et dément les grands. Difficile de stopper la vague de contaminations qui déshabille et questionne. Quelle indépendance pour le Sénégal, quand ses talibés sont bouffés par la gale ? Quelle indépendance pour le continent noir qui importe vaccins et médicaments ? Quelle indépendance pour l’Afrique, quand ses dictateurs vont se faire soigner en Occident ? Fidèle à lui-même, l’Occident augurait du pire pour cette partie du monde. L’hécatombe qu’il prédisait aura bien lieu mais pas là où il l’attendait au départ. Je n’ose imaginer les insultes qu’on aurait spécialement modelées pour les Africains si le covid avait vu le jour sur leur sol.

Un vent de pandémie souffle. Le silence prend place. Descente dans les profondeurs de son pays natal. Voyage vers le centre de sa terre. Dans cette région-ci, la vérité s’affiche sans fard. La voici l’incapacité qui met à mal la fierté. La voici l’insensibilité qui réduit à néant la religiosité. La voici la mauvaise foi qui sème l’ignorance pour mieux régner. La voici la tyrannie qui exile la raison. La voici la terreur qui venge les médiocres. La voici la tromperie qui entretient la misère. Ce ne sont pas les hôtels cinq étoiles, les routes, les voitures et villas de luxe qui donneront une belle image de l’Afrique. Ce ne sont pas les parfums de marque et les grandes toilettes qui décrasseront le regard de mépris que beaucoup posent sur les Africains. Tant que ce continent n’arrivera pas à se nourrir, se vêtir, se soigner et s’éduquer lui-même, le respect s’évaporera aux abords de ses rivages. Tant que ses propres enfants préfèreront échouer sur les plages européennes, plutôt que de vivre dans leurs propres pays, l’Afrique ne relèvera pas la tête. Tant que des hordes d’enfants affamés et enguenillés hanteront ses artères, ce continent ne jouira que d’un semblant de dignité. Tant que ce continent ne fera pas de l’enfant le centre de son attention, toute acquisition ne sera qu’infatuation.  

 Une pandémie qui instruit

Un vent de pandémie souffle. L’heure de vérité a sonné. La base est fragile, l’édifice ne tient pas. La base, c’est l’éducation. De là tout commence, croît et se déploie. Là est la véritable voie d’affranchissement. « Formez-vous, armez-vous de sciences jusqu'aux dents », tel est le viatique que Cheikh Anta Diop a laissé aux Africains. Qu’en est-il aujourd’hui ? Que vaut l’école sénégalaise ? Où en est la recherche africaine ? Que servent les télévisions africaines ? Pourquoi des soi-disant faiseurs de miracles pullulent dans les média et polluent les esprits ? De quel statut jouit l’enseignant dans nos sociétés ? Qui sert de modèle aux jeunes africains ? Quelle est la place du livre dans nos familles ? Quelle est la place du silence dans nos espaces de vie ? Oser le silence et l’odyssée dans l’univers des livres ne transforme pas en Toubab. Faut-il attendre des Instituts Français qu’ils offrent aux populations africaines des espaces d’études, de réflexions et d’expressions artistiques ? Désirer des bibliothèques et des lieux d’études dans nos quartiers ne fait de quiconque un Toubab. La richesse de l’Afrique ne se limite pas aux matières premières. Sa matière grise, la première des richesses, doit faire l’objet d’une meilleure protection et d’un plus grand investissement car c’est de là que jaillira l’or noir et autres catégories d’or. Afin d’aider les enfants à cultiver leur corps et leur esprit, une organisation des parents, en fonction de leurs moyens, est absolument nécessaire. La limitation des naissances n’est pas affaire de Toubab. Il est indéniable que la vie a ses mystères et qu’il est impossible de tout prévoir, tout maîtriser. Des génies, des hommes et des femmes d’exception sont nés de familles nombreuses et loin d’être aisées. Cependant, compter sur la chance, miser sur le miracle, c’est risquer de faire pencher le navire et de sombrer dans le malheur. Les hordes d’enfants affamés et enguenillés qui sillonnent les villes africaines prolongent la sombre fresque des damnés de la terre, cette terre qui a soif du silence de l’instruction et qui a hâte de porter des fruits de lumière.  

Un vent de pandémie souffle. L’heure est au bilan. De vieilles peurs ont refait surface. Traitements et vaccins en provenance d’Occident suscitent méfiance et peur chez beaucoup de Noirs. Jean-Paul Mira, chef de la réanimation à l'hôpital Cochin, échangeant sur LCI avec Camille Locht, un directeur de recherche à l'Inserm, soutenait tranquillement que les traitements contre le covid devaient être testés en Afrique, « comme c'est fait d'ailleurs sur certaines études avec le sida, où chez les prostituées ». Ce genre de propos ajoutent à une paranoïa déjà alimentée par des faits historiques mais aussi par des affabulations. Que faire maintenant que l’Afrique reçoit des lots de vaccins de pays qui n’ont aucun scrupule à piller ses mers et s’arranger pour s’emparer de ses richesses, avant d’y envoyer leurs déchets ? N’est-ce pas l’occasion de réaliser le vieux rêve d’une Afrique sans les Africains ? Plus que jamais, il est clair que même si l’Afrique a ses remèdes, elle compte beaucoup sur l’Occident pour se soigner. Ce constat est-il une fatalité ou une opportunité ?

 Une pandémie qui invente des remèdes

Un vent de pandémie souffle. L’heure est à la réorganisation. Si l’Afrique paraît ridicule dans son morcellement sans queue ni tête, grotesque avec ses autocrates jamais rassasiés, pitoyable avec son corps gangrené par la corruption et misérable sous le feu d’artifices de ses horreurs, elle a encore de la noblesse, de la force, de la beauté, une élégance racée, d’infinies potentialités. La pandémie a jeté une vive lumière sur ses fragilités et mis en exergue les dangers qui la guettent. Elle a montré l’urgence, pour le continent noir, à être son propre laboratoire, son propre médecin, son propre pharmacien. Elle a montré l’urgence de se pencher sérieusement sur nos plaies pour trouver les remèdes adéquats. Attendre des autres qu’ils vous soignent, c’est risquer de périr. Même si c’est une leçon amère comme la quinine que l’Afrique tire de cette situation, la pandémie laisse toutefois entrevoir une voie de guérison. Ce continent, qui a su élaborer des processus de réparations sur la terre de ses trauma, saura se servir de ses trésors pour bâtir le socle de sa réunification et travailler à sa renaissance.

Un vent de pandémie souffle. Tout n’est pas perdu. L’Afrique souffre mais ne s’étiole pas comme prévu. Son sourire n’a pas disparu. Ses élans de vie sont à protéger, sa réserve d’humanité à préserver et ses richesses tant convoitées à sauvegarder. Certes il lui faut des masques, des gels, des traitements et des vaccins pour lutter contre le covid. La pire contamination qu’elle a à éviter reste cependant celle qui sape sa confiance, dégrade son image, exile son imaginaire, confisque sa parole, lui transmet des représentations aliénantes et lui fait croire que son salut est en dehors d’elle-même. Puisse le temps de cette pandémie être pour l’Afrique celui d’un silence fécond qui l’amène à faire face à ses démons, à terrasser ses monstres, à purifier son esprit et à renouer avec sa propre parole, celle-là qui lui permettra de recouvrer la santé et de gagner enfin son indépendance.

 

jeudi 17 juin 2021

 

Le racisme : Une honte pour le raciste 


Ces dernier temps, les actes racistes contre les Noirs se multiplient sur le sol français. Des Maghrébins sont entrés dans la danse et cela donne le spectacle pathétique d’hommes et de femmes, boursouflés de haine, qui crachent des insultes abjectes.

Le propriétaire, qui refuse à Benjamin Kingombe l’appartement qu’il avait loué pour faire une surprise à sa fiancée, le menace en faisant référence à George Floyd. Il lui déclare au téléphone : « Vous vous êtes pris 400 ans d’esclavage dans le cul, ça ne vous a pas servi de leçon. Vous êtes d’une bêtise exceptionnelle (…). Vous croyez vraiment que les noirs ont accès à la justice ? » Comme par hasard, l’homme qui a agressé un livreur noir à Cergy-Pontoise et injurié vertement une femme d’origine africaine, s’est également appuyé sur l’esclavage pour blesser plus vivement : « Espèce de négresse, espèce de sale Noire (…), pendant 800 ans on vous a vendus comme du bétail ». L’auteur de ces invectives, qui se dit Algérien, a usé de toute sa créativité pour sortir des propos nauséabonds qu’il est inutile de retranscrire ici. Quelques jours après, dans un supermarché en Haute-Savoie, une Maghrébine outrée qu’une caissière noire la soupçonne de n’avoir pas scanné tous ses articles lui lance : « Sale négresse, sale noire (…) Tu vois, les Africains comme toi, ça donne envie de les tuer ». A côté de ces agressions qui ont fait l’objet d’enregistrements, combien d’actes racistes restent impunis, faute de preuves ?

Toute la violence du raciste consiste à rabaisser, à mettre plus bas que terre, à dévaster la personne agressée et susciter chez elle une honte qui lui colle à la peau. Il faut bien se rendre compte que les tentatives d’avilissements du raciste abâtardissent son être. La honte qu’il cherche à injecter fait de lui une honte. La caricature à laquelle il s’adonne fait de lui une caricature. Triste paradoxe que celui du raciste. Quant à tous ceux qui se montrent agacés par les dénonciations d’actes racistes, ils se ridiculisent en faisant d'une réaction légitime la cause de leur énervement. La réitération de comportements honteux, n’est-ce pas plutôt cela qui devrait les exaspérer ?

 Puissent les Noirs préserver l’outre de joie que le raciste tente de percer avec ses piques assassines. Haut les cœurs, hommes de valeur ! Que l’hydre à multiples têtes sombre à jamais dans les ténèbres de son indignité, l’abîme de son racisme. Que Floyd repose en paix, que le monde respire enfin et aille vers ses plus belles compositions. 




mardi 1 décembre 2020

 Trop, c’est trop !

   DR.

 Le cœur a dénoué ses barbelés

Les digues de la raison ont sauté

Le regard a baissé son rideau de fer

Les lâches se déchaînent, se lâchent

Crocs de feu sur proie providentielle 

Croqueurs de nègre sur Michel Zecler 

Carnage pour jouir de sa surpuissance

Haut le cœur devant le festin de la bête

(Texte de Mariama Samba Baldé) 


    

dimanche 18 octobre 2020

 Ça, je n’ai pas appris

DR.

16 octobre 2020, dernier jour de cours avant les vacances de la Toussaint, un professeur d’histoire-géographie est tué à Conflans Sainte-Honorine. Son assassin lui a coupé la tête pour le punir d’avoir montré des caricatures du prophète Mahomet à ses élèves lors d’un cours sur la liberté d’expression. À la rentrée, le 2 novembre, une minute de silence sera observée dans les établissements scolaires. Les enfants sentiront la froideur de l’horreur, les enfants sauront. Comment préparer mon fils de 8 ans à cette réalité ? Comment lui dire que, dans sa ville, un enseignant a été décapité ? Comment lui expliquer le mot décapiter ? J’apprends et transmets des tas de choses à mon enfant mais ça, ça, je n’ai pas appris…

samedi 27 juin 2020

L'entretien de Souleymane Bachir Diagne avec Mariama Samba Baldé 



A l’heure où les tensions raciales s’exacerbent ici et là que la pandémie du covid 19 invite à la distance, ce n’est pas évident de parler de rencontre et pourtant… A travers Vibramonde, Mariama Samba Baldé poursuit sa réflexion sur la rencontre et offre l’entretien qu’elle a eu avec Souleymane Bachir Diagne. Aux qualités de cet esprit lumineux, s'ajoute l’humilité qui enrobe son savoir.
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vendredi 19 juin 2020

Ce raciste qui joue à en perdre le souffle...

L'affaire Adama Traoré éveille des consciences en France. L'affaire George Flooyd secoue le monde. Nous sommes en 2020. La page du racisme est loin d'avoir été tournée. Le raciste fait tout pour que la violence exercée sur le corps du Noir ne devienne un fait anachronique.  Cette violence est pour lui question de survie. Il respire bien, il respire mieux, il respire...tant qu'il peut faire des remakes de son mauvais film, jouer encore et encore, jouer à en perdre le souffle.

Avec mon recueil de textes et de photographies, Boubou (Hors clichés), je  révèle des corps d'Africains qui contredisent, de façon belle et digne, les représentations caricaturales du raciste toujours prêt à enfermer le corps du Noir dans une condition misérable. J'aurais voulu dire que Boubou (Hors clichés) est passé de mode. Hélas, cet ouvrage est encore d'actualité, puisque le raciste  est prêt à tuer pour que son film reste à l'affiche, tuer pour sauver son cinéma.





dimanche 7 juin 2020

L'entretien de Felwine Sarr avec de Mariama Samba Baldé 



Sur sa page Facebook, Felwine Sarr a écrit :
« Je partage cet entretien avec Mariama Samba Baldé. Il fut réalisé avant la pandémie du Covid-19. L'histoire semblait droite dans ses bottes et assurée dans sa marche. Mariama Samba Baldé est éditrice et cinéaste. Elle a le talent de créer un climat propice à la conversation sereine et parfois à la confidence. J'y évoque mon enfance, mon rapport à mes langues (maternelle et d'écriture), le rapport de l'écrivain au langage, mes affinités electives, mon rapport aux arts martiaux, à la spiritualité, aux identités assignées. J'y évoque aussi notre rapport au vivant, les questions écologiques, la question de la Restitution et ma rencontre avec Bénédicte Savoy, celle du progrès civilisationnel, Habiter le Monde, la genèse des Ateliers de la pensée et mon compagnonnage avec Achille Mbembé, la question de la Relation, celle de l'Utopie, la question de la Poésie, du Cynisme, du Lieu-Matrice, du Voyage et de l'Ailleurs. A la fin de l'entretien, j'ai eu le sentiment d'avoir témoigné. »

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samedi 6 juin 2020

Mariama Samba Baldé présente Vibramonde et ses Quatre Saisons


Mariama Samba Baldé a créé Vibramonde pour questionner la rencontre et inviter à en tirer un nectar. L’actualité du monde montre suffisamment de rencontres qui tournent mal et génèrent des horreurs. Ici, c’est volontairement que l'accent est mis sur le versant lumineux de la rencontre. Loin de faire la politique de l’autruche face aux réalités du monde, Vibramonde oriente son action vers ce qui unit et aide à inventer un meilleur climat entre les hommes. Un avenir de paix ne tombera pas du ciel, il faut y travailler jour après jour. Deux choix s’offrent aux communautés humaines : un repli sur soi qui mène à l'étiolement ou une politique de la relation qui fertilise la créativité et honore les valeurs de Liberté, Égalité, Fraternité. Pour que la parole devienne bonne et la rencontre féconde, à chacun de travailler sur sa vibration.
Retrouver les Quatre Saisons de Vibramonde, la programmation de la télé “Rencontres & Créations” sur https://www.vibramonde.com/


samedi 28 décembre 2019


Licence pour une Charogne cultivée

      La sortie programmée du livre de Vanessa Springora, Le consentement, a déclenché une polémique sur l’acceptation des pratiques pédophiles de l’écrivain Gabriel Matzneff. Ce dernier, alors qu’il présentait ses Amours décomposés dans l’émission « Apostrophe » de Bernard Pivot, avait provoqué l’ire de Denise Bombardier, seule insurgée du plateau contre les propos tenus dans le journal publié chez Gallimard. Effarée, la journaliste canadienne avait tenté d’expliquer que la littérature ne pouvait pas servir d’alibi à l’abus de pouvoir sur des enfants mineurs, enfants que le très respecté auteur raconte avoir sodomisés. Couvert des oripeaux de la littérature française, le stupre de l’écrivain passait pour un détail amusant, la lubie d’un génie hélas trop bien compris. Ceux qui se scandalisent aujourd’hui sur ce mélange de manque de discernement, de snobisme, de machisme et de mauvaise foi, ceux qui se scandalisent sur l’acceptation du scandale, sont-ils seulement choqués par les propos nauséabonds que des soi-disant hommes de culture et de lettres tiennent sans cessent dans les média, faisant des Noirs, des Arabes et des musulmans les bouc-émissaires à piétiner ? 

      S’agissant de l’affaire Gabriel Matzneff, on explique l’indulgence par le fait qu’à l’époque l’esthétique primait sur l’éthique. Si Gabriel Matzneff avait été noir ou arabe, la littérature aurait-elle servi de caution à l’abjection ? Comme à l’époque de l’émission de Pivot, le scandale est toujours là avec son lot de cécité pratique, de silences coupables, d’arrangements mesquins et de lâches compromissions. Quand, à des personnes appartenant à tel rang social ou à telle catégorie raciale, on attribue des licences à l’indignité, c’est l'impunité qu'on instaure et le massacre de l’Homme qu’on prépare. La licence pour la charogne cultivée ou inculte ensemence l’ère de la civilisation décomposée.


          

mardi 5 mars 2019


Salle obscure et souillure de l’écran : À quoi rime ce cinéma ?

TDR

« Il m'a agressé avec un tesson de bouteille. Il m'a déchiré le visage », raconte l’actrice Azata Soro. Il, c’est le cinéaste burkinabé Tahirou Tasséré Ouédraogo. Cette agression barbare a eu lieu le samedi 30 septembre 2017, sur le plateau de la série « Le Trône » où Azata Soro travaillait comme deuxième assistante. Tant de réalisateurs se prennent pour des rois et se croient tout permis, le temps d’un tournage. Temps éphémère, pouvoir dérisoire, élus en carton-pâte. Beaucoup de cinéastes africains ont dénoncé la tyrannie que perpétuent certaines traditions, le joug qui pèse sur les femmes, la dictature qui sévit sur le continent. Quelle valeur peut avoir leurs discours si leurs actes révèlent immoralité et manque d’éthique ? Un homme qui respecte la femme, c’est juste un homme qui se respecte. Avant de maîtriser la technique cinématographique, ne doit-on pas d’abord apprendre à bien tenir les cordons de son cache-sexe, avoir de la tenue, se maîtriser ? Azata Soro porte sur son visage une cicatrice. A cause d’un agresseur sexuel, combien de femmes qui ont travaillé dans le cinéma portent l’invisible balafre qui leur gâche la vie ?   

Le septième art a de la noblesse. Sa traîne ne devrait pas être lacérée par la bête qui sévit dans les lieux de tournage. Les actrices africaines ont de la noblesse. Leur corps ne devrait pas servir de gibier à la bête qui lance « action ! » Éclairer les femmes d’une belle lumière et tenter de les violer dans l’ombre, à quoi rime ce cinéma ? Faire des films engagés où sont dénoncés l’excision, la prévarication, la corruption, le mariage forcé, etc., alors même qu’on se comporte comme un satyre avec des actrices sur qui on exerce un ignoble chantage, à quoi rime ce cinéma ? Exposer sur grand écran des thèses sur les droits de l’homme, les droits des femmes, les droits des peuples et je ne sais quel droit encore, alors même qu’on s’octroie un droit de cuissage sur les actrices, à quoi rime ce cinéma ? Défendre l’honneur sur l’écran alors même qu’on déshonore des femmes, à quoi rime ce cinéma ? Faire de longs travellings révélant l’aube qui se lève sur l’Afrique alors même qu’on ensevelit le sourire juvénile des actrices noires, à quoi rime ce cinéma ?

La beauté du septième art a aussi pour nom sincérité, honnêteté, courage. La salle obscure ne doit pas laisser sous son tapis la saleté des prédateurs sexuels qui font leur cinéma en toute impunité. Jusqu’à quand va-t-on permettre que l’écran blanc, où la poussière d’or des films est projetée, être jauni par la giclure de plaisirs volés ? Va-t-on laisser des auréoles de lubricité fausser la beauté d’images créées par des artistes dignes de ce nom ? Avec la vérité qui finit par percer, arrive l’heure de la réparation et de la rectification.  

samedi 21 avril 2018

Coup de cœur d’une tisserande pour une Effilochée


T.D.R.

Le tisserand est un de mes symboles favoris. N’est-ce d’ailleurs pas une image universelle qu’on trouve au cœur de moult mythes ? Au fil des ans, c’est avec bonheur que j’ai appris à me faire tisserande. L’utopie que je défends se fait tissu chamarré d’accords fraternels. Jusqu’à ma rencontre avec Azama Effilochée, aucun doute n’avait fait trembler le piédestal sur lequel j’avais placé mon symbole chéri. Cette artiste, à la technique inédite, a éfaufilé ma représentation du tissu et du tisserand. Son œuvre m’a décoiffée, émerveillée. C’est une belle philosophie qui habite ses sculptures et tableaux.

Azama Effiloche allège le tissu et en fait un dessin traversé par la lumière. Dans la matière opaque, elle opère des percées, crée des lucarnes, introduit de la transparence. Ne garder que le beau et lâcher tout le reste, telle est la philosophie de cette Congolaise qui a connu l’horreur dans le Zaïre de Mobutu. Aujourd’hui, elle croque la vie à pleines dents. Sa méthode de survivance, elle en a fait un art de vivre qui résonne dans ses œuvres. Avec ses fils noirs détramés, qu’elle colle sur des supports blancs, elle entre dans le jeu de la vie, déjouant les ombres et exaltant la lumière. Intelligence, sensibilité, habilité et beauté se dégagent de ses tableaux traversés par des silhouettes effilochées mais non dépourvues de force.

T.D.R.
Alors que je lui confiais à quel point sa création me désarçonnait, elle me dit : 
« Toi et moi, tisserande et Effilochée, on se complètent ».      
 


lundi 2 avril 2018

Arnaud, cette noblesse dont Beltrame est le nom


T.D.R.

Il est des visages marécages ténébreux où le regard n’a guère envie de s’aventurer. La face d’Arnaud Beltrame fait partie de ces visages océans, remplis de clarté, ces visages dans lesquels on désire plonger. Ce visage n’est pas le fruit du hasard, c’est le visage d’un homme doté d’une belle âme, une âme qu’il travaillait à polir et à faire grandir. Avant que la République ne lui ait tressé des lauriers, lui exerçait son métier d’homme. Ce gendarme était un noble tisserand qui a fait de son existence une belle trame recueillant, au fil des jours, l’or d’un autre temps. Comme il est, ainsi il a fait les choses, en cohérence avec ses engagements, en cohérence avec sa foi, en cohérence avec sa volonté, en cohérence avec son idéal.

Tombé pour sauver un prochain, le voilà à jamais relevé, à jamais élevé. De la trempe de ceux qui ont suffisamment de force et de sagesse pour faire de la beauté une arme, Arnaud Beltrame a, dans la chair des ténèbres, creusé la tranchée de lumière permettant aux âmes perdues de s’abreuver d’un feu qui ne brûle pas. Devant le cortège qui accompagnait son corps, le bourdon de Notre-Dame a fait sonner le glas et les anonymes, touchés au plus profond de leur être, ont applaudi en chœur.

Le chevalier avait quarante-quatre ans, un âge en forme de huit, symbole du Verbe et de la vie nouvelle, de la totalité et de la guérison de l’humanité. Que violons et balafons s’accordent pour accompagner le voyage que cet homme de paix a entamé vers la Grande Unité, que les étoiles les plus radieuses étendent à l’infini sa belle trame. Arnaud, bon retour vers ta véritable Patrie ! 


Le violeur, cette pauvre victime qui a manqué de protection


Sur la chaîne sénégalaise TFM, un professeur de philosophie, tout en dénonçant le viol, disait « couper la poire en deux » : Si le violeur est fautif, l’est aussi celle qui a provoqué l’acte de l’agresseur sur qui elle a exercé une violence à travers une tenue ne voilant pas ses charmes. Ce discours a provoqué un tollé et une plainte a été déposée contre le professeur en question. Ce dernier a peut-être manqué de chance car il n’est pas le premier à tenir ce type de raisonnement et à soutenir ouvertement ce genre de propos.

Il y a de cela quelques années, un célèbre journaliste sénégalais, polygame, fut arrêté et emprisonné pour viol. J’avais alors entendu des femmes critiquer la victime, arguant qu’elle n’était pas censée se trouver seul avec le violeur, que le corps de la femme est par essence tentateur, etc.

Jusqu’à quand va-t-on mépriser les hommes en les considérant comme des bêtes incapables de se retenir ? Pour protéger ces pauvres hommes du désir qui pourrait leur faire commettre l’irréparable, jusqu’où va-t-on couvrir le corps de la femme ?

Cette vidéo de la campagne américaine contre les agressions sexuelles illustre parfaitement l’absurdité des arguments de ceux qui partagent « la poire en deux », faisant de l’agresseur une victime et de la victime une vicieuse prise dans son propre jeu.



dimanche 1 avril 2018


Marielle Franco : L’impossible assassinat de la beauté

T.D.R.

Orage sur Rio, Marielle Franco a été tuée par balles. 
Cette femme persévérante, issue de quartiers rongés par la pauvreté et minés par la violence, s’était servi de son intelligence pour décrocher des diplômes, gravir les échelons et défendre ses idées.

Orage sur Rio, Marielle Franco a été tuée par balles.
Ce cœur vaillant luttait pour briser les chaînes qui entravent la liberté de différentes minorités.

Orage sur Rio, Marielle Franco a été tuée par balles.
Cette dame au port altier dénonçait les agressions sexuelles sur les femmes, pointant des chiffres en hausse dans son pays.

Orage sur Rio, Marielle Franco a été tuée par balles.
Cette mère alertait sur le déchaînement de la force brute des mafieux en tenue dans les favelas.

Orage sur Rio, Marielle Franco a été tuée par balles.  
Cette élue charismatique élevait la voix pour freiner la spirale de la haine et faire reculer le Mal.

Orage sur Rio, Marielle Franco a été tuée par balles. 
Cette combattante de la dignité humaine s’est donnée corps et âme pour plus de justice.

Orage sur Rio, Marielle Franco a été tuée par balles. 
C’est la Beauté qui reste à jamais gravée dans le ciel du Brésil et plus loin encore…

jeudi 28 septembre 2017

What a shame !


DR


C’est à croire qu’il y a des périodes de l’histoire où les hommes, trop lourds de haine pour penser, ont besoin d’un histrion tragi-comique pour mener la danse macabre consistant à marcher sur les autres, humilier les autres, assassiner les autres. Et comme il faut danser encore et encore, l’autre n’a jamais fini d’être réinventé afin que le sang coule encore et encore et que l’âme se dissolve dans l’ivresse d’une contredanse sans nom.   

Préoccupée par le taux d’obésité chez les Américains, Michelle Obama avait fait de ce fléau son combat. Quand elle se déplace, Melania Trump s’inquiète de ne pas trouver dans les WC. un certain parfum d’ambiance, ainsi que du papier toilette triple épaisseur. S’appuyant sur le savoir, Barack Obama s’était fait Tisserand qui, glissant dans la pensée complexe, avait à cœur de recoudre le tissu social de son pays. Quand il est arrivé, le nouveau chef d’État Donald Trump s’est fait briseur de rêves, démolisseur de ce qui a été construit, saccageur de la cohésion sociale. L’intellectuel artiste a été remplacé par un riche bâté. Ne fallait-il pas faire payer le fait d’avoir conduit un Noir à la Maison Blanche ? Faire payer en tirant sur les Noirs pour un oui ou pour un non et même pour ni oui ni non. Faire payer en apportant du sang neuf au Ku Klux Klan, laissant les suprémacistes blancs pousser du poil de la bête. Faire payer en banalisant le crime et en insultant les sportifs, les artistes et les citoyens qui dénoncent les crimes sur les Noirs. Le chef d’État qui « tweete plus vite que son ombre » n’a pas peur d’user de gros mots, pas peur de se salir la bouche, pas peur de ne pas être fin. Il sait que plus c’est gros, mieux ça passe, il sait qu’il a été élu pour faire payer l’élection d’Obama.  

L’Amérique qui s’acharne sur l’œuvre et le souvenir d’Obama révèle à la face du monde le visage d’un César sans discernement, la dislocation d’un pays devenu ce que Sony Labou Tansi appelle L’État honteux.


vendredi 27 janvier 2017

À la recherche du pigment perdu…


Copyright Paroles Tissées Editions

Avec ou sans le sou, les hommes de mon pays conservent leur peau noire
Dès qu’elles ont un peu de sous, les femmes de mon pays changent de peau
Qu’est-ce donc ce peuple d’hommes couleur d’ébène et de femmes blanchies
Sénégal où le sexe se décline en noir et blanc et où l’argent évacue la mélanine
Damas réclame ses poupées noires, moi je désire le retour de mes sœurs noires

mercredi 14 décembre 2016

samedi 10 septembre 2016

La colonisation : "Ce fumet-là que vous trouvez plaisant"



    

Jusqu’à quand vont-ils continuer à chanter « au temps béni des colonies » ?

Colonisation = Partage de culture, dit Fillon.
Colonisation = chosification, écrivait Césaire.

L’auteur martiniquais savait qu’ils allaient se jeter de la poudre aux yeux et aimer leur mensonge plus que la vérité. Il avait anticipé sur le fait qu’ils allaient tenter de falsifier l’histoire, truquer le « récit national ». 

Les paroles de Fillon étaient d’autant plus indécentes, qu’elles furent prononcées dans une commune marquée par les innombrables réalisations de Raphaël Élizé, ce maire métis mort pour la France. À cause de son histoire avec ce maire d'origine martiniquaise qui l’a honoré à travers ses actes de bâtisseur, son comportement de résistant et ses idées humanistes, Sablé-sur-Sarthe aurait pu être le foyer d'une France métisse qui, sans nier les pages sombres de l’histoire de France, transcenderait l’innommable, fendrait le ciel des idées fixes et 
déchirerait le voile des obsessions malsaines pour tracer la voie d’un avenir lumineux. 

Triste de voir cette fausse gloire qui masque le soleil. Finalement, rien de nouveau sous le soleil. Ça fait un moment que l’arrogance s’est faite veau d’or léché en plein soleil. Ferrat ne chantait-il pas :


Votre cause déjà sentait la pourriture

Et c'est ce fumet-là que vous trouvez plaisant
Ah monsieur d'Ormesson
Vous osez déclarer
Qu'un air de liberté
Flottait sur Saigon












mardi 30 août 2016

Dévoilé par le burkini, l’esprit en burqa se ridiculise


Copyright Paroles Tissées Editions

Dans mon boubou ou dans mon maillot, je suis le même corps
À moi le vent, à moi la lumière, le dialogue inventé avec la mer

En tenue de plongée ou en burkini, en robe de nonne ou en bikini
Qu’elle saute dans l’eau, joue avec le vent, respire et vive, la nana !

En djellaba ou kimono, sari ou jupe, pagne ou robe, pantalon et corset
Visage dévoilé, voix déployée, que toujours elle chante Liberté, la nana !


samedi 11 juin 2016

Mariama Samba Baldé contre le diktat des apparences

Une interview du magasine Actu'elle


Le célibat, pour une femme, est compliqué à vivre dans toutes les sociétés. Qu’est-ce qui est différent d’ailleurs au Sénégal ?
Les femmes célibataires peuvent certes avoir droit ailleurs à certaines remarques, mais au Sénégal, en plus, il y a le poids de la tradition, de la religion. En France par exemple, la sexualité n’est pas forcément tributaire du fait d’être mariée ou pas. Au Sénégal, on est censée être mariée et ce qui se fait « officieusement » est un poids. On soigne les apparences. Ce poids devient une source de souffrance et j’ai le sentiment qu’on sacrifie beaucoup de choses pour sauver les apparences. Même si on est mal dans son ménage, on ne va pas forcément divorcer, parce qu’il vaut mieux être mal accompagnée qu’être une femme célibataire. Je pense que cela change quand même. Les femmes, devenant plus autonomes, assument de plus en plus leur statut de femme divorcée, célibataire. N’empêche qu’il y a un vrai poids dans le regard des gens, qu’il faut supporter. Ce qui m’a motivée à faire ce film, c’est une souffrance que j’ai trouvée absurde. La vie étant en elle-même assez dure, pourquoi susciter un mal-être chez les femmes, pour quelque chose qui ne dépend pas d’elles, trouver l’homme de sa vie ?

L’inquiétude de l’entourage envers les femmes célibataires est bienveillante, ce n’est pas facile d’être seule…
Je ne dis pas que c’est malveillant. Cependant, en voulant trop faire le bonheur des autres, on peut finir par leur nuire. Ce qui me dérange, c’est qu’on va plus mettre l’accent sur l’absence de mari que sur le mérite de la femme. Dans Qui suis-je sans mari, j’ai vraiment ciblé les femmes célibataires qui travaillent et se prennent en charge. Elles s’assument pleinement et pourtant on ne va pas suffisamment valoriser le fait qu’elles aient fait des efforts à l’école, qu’elles aient obtenu des diplômes, qu’elles aient réussi à s’insérer dans le marché du travail et qu’elles fassent de bonnes et belles choses pour la société. Se marier, ou pas, est une question très personnelle. Il faut trouver la bonne personne. C’est comme si la question du bonheur, du bien-être de la femme, était un peu mise de côté au profit de l’apparence, au prix d’une urgence à rassurer la société et à honorer sa famille. Est-ce qu’on se marie pour faire plaisir à sa famille, pour rassurer la société, ou pour être une femme épanouie ? Il y a des femmes qui se marient juste parce qu’ayant atteint un certain âge, il devient inconcevable qu’elles ne soient pas casées. Même si au départ elles souhaitent un mariage monogame, elles acceptent l’idée d’être deuxième ou troisième femme. Que fait-on alors de la question du bonheur ?

Les hommes aiment avoir une femme qu’ils peuvent contrôler, avoir une emprise sur elle. Une femme célibataire qui gagne sa vie ne leur fait-elle pas un peu peur ?
Sur le plan traditionnel et suivant comment on interprète la religion, l’homme est censé être le chef de famille. En wolof, il y a des expressions qui signifient bien que c’est l’homme qui est détenteur de la voix. Cette conception du ménage, où c’est la voix masculine qui prédomine, personnellement, je la ressens comme une vision tyrannique des choses. La base de la dictature, c’est la voix prédominante, la pensée unique, le parti unique. Le foyer ne doit-il pas plutôt être un lieu d’échanges, d’écoute, de bien-être et de créativité ? Un lieu où on invente ensemble, et non un lieu figé dans des formes qui n’évoluent pas ? Il y a tout un discours pour préparer la femme à la résignation, le mougn. On la prépare à plier l’échine. Si la voix du mari, « chef de famille », écrase les autres voix, le foyer devient un lieu stérilisant au lieu d’être un endroit fertile d’échanges, d’écoute et d’épanouissement. Cela devient écrasant pour celui qui subit la voix du chef. C’est vraiment cela l’objet de mon film, montrer des choses qui peuvent faire souffrir de façon injuste. La question de la justice est le fil conducteur de mon travail, qu’il s’agisse de ce documentaire, de ma thèse portant sur les représentations du dictateur africain, donc la justice vis-à-vis du peuple, ou de Boubou (Hors clichés), traitant de la discrimination et du racisme.

Avec les actualités, on peut dire que vous avez de quoi réfléchir, en termes de justice !
C’est pour cela qu’il ne faut pas s’arrêter. Sans être dans un optimisme béat, il faut fixer son idéal et y travailler. C’est un long chemin. Soit on se plaint, soit chacun trouve une stratégie afin d’améliorer le monde. Dans mon livre Boubou (Hors clichés) je parle de « l’esprit de burqa » que je présente comme un esprit replié dans ses ténèbres, qui se croit détenteur de la vérité absolue et essaye de régner de la façon la plus tyrannique qui soit. Ce genre d’esprits existe dans toutes les sociétés. Ça peut être dans le foyer, au niveau d’un état ou à l’échelle mondiale. Il faut désamorcer cet esprit-là. A chacun sa stratégie, ses moyens, mais il ne faut pas laisser faire. Cela passe par le savoir, l’éducation. C’est plus facile d’utiliser la force, les armes, pour le court ou moyen terme. Pour des résultats durables, il faut travailler les fondations par l’éducation. Le chemin du savoir est plus long, mais le résultat est garanti.

Il faut aussi éduquer les garçons !
Malheureusement, certaines femmes transmettent aussi des schémas et modes de domination à leurs fils, persuadées que c’est normal, que c’est ainsi que le monde doit fonctionner. On doit déconstruire les représentations porteuses de chaînes et de souffrances. Sortir d’un cycle de soumission et de souffrances que les femmes ont tendance à transmettre parce que, ayant elles-mêmes été soumises et ayant elles-mêmes souffert, elles trouvent normal qu’il en soit ainsi pour les autres générations de femmes. Si on accepte de déceler les aberrations et de dire que cela ne peut plus durer, cela bougera. Si on attend des hommes qu’ils fassent bouger les choses, ils ne feront que ce qui les arrange.

En occident, pour les droits des femmes, il a fallu des luttes acharnées. Au regard des réalités sénégalaises, votre vision n’est-elle pas un peu trop avant-gardiste, un peu occidentale ?
J’essaie d’ouvrir des possibles. Ce n’est pas une vision occidentale. J’ai fait ce film au Sénégal quand j’y vivais. Il a été mis de côté pour des raisons techniques, et dix ans après j’ai ressorti ces images auxquelles j’ai ajouté deux entretiens. Ce qui m’intéresse, c’est toucher du doigt des absurdités, me questionner sur la justice et l’épanouissement de l’Homme. Ce serait dommage qu’une telle démarche soit étiquetée occidentale. Toutes les sociétés doivent veiller à se débarrasser de ses aberrations, injustices et souffrances.

Le célibat est-il dérangeant dans le milieu du travail au Sénégal ?
Absolument. La chef d’entreprise que j’ai filmée, une femme battante, dit clairement que si elle avait un mari, elle se sentirait plus respectée. Des subalternes se permettent des remarques qu’ils n’oseraient pas faire si elle était mariée. Certaines remarques sont destinées à faire sentir à la femme célibataire qu’il lui manque quelque chose. Est-ce que la société sénégalaise est prête à assumer l’existence de femmes célibataires épanouies ? Je n’en suis pas sûre. C’est comme si cette société était davantage préparée à gérer le statut de femmes mariées malheureuses dans leur ménage.

Les enfants des mères célibataires sont-ils dévalorisés dans la famille ?
Je n’ai jamais été témoin de rejet d’enfants hors mariage. Cependant, dans le film, j’ai posé la question à une femme très ancrée dans la religion et la tradition. Son point de vue figure en bonus dans le DVD. Elle me disait qu’avoir un enfant hors mariage peut être source de mépris, voire d’insultes à l’endroit de l’enfant considéré comme illégitime. Pour un tel enfant, cela peut représenter un talon d’Achille. Une femme m’a dit de façon très catégorique que ce n’était pas admissible. Pour ma part, j’ai plutôt le sentiment que même s’il est considéré que ce n’est pas préférable, la société fait avec.

Peut-on être heureuse en étant célibataire, d’après vous ?
Je refuse d’être dans une vision manichéenne. On peut être heureux marié ou pas. Qui suis-je sans mari est une invitation à sortir d’un regard figé, stérilisant, pour voir la complexité des choses, et de se dire, oui, c’est possible d’être épanouie en étant mariée ou célibataire. La vie en elle-même étant compliquée, le bonheur, question philosophique, et très personnelle, dépend de plusieurs facteurs. Pourquoi mettre sur la femme une pression qui provoque des souffrances, pour une situation qui dépend de facteurs liés à la rencontre, à la disponibilité, la compatibilité, etc. ? Ne peut-on avoir une façon de voir qui ne génère pas du mal-être ? Ne peut-on féliciter nos filles, nos amies, pour ce qu’elles sont, même si on leur souhaite de trouver un homme avec qui elles seront heureuses ? C’est dommage que des femmes soient affaiblies par les jugements que certains portent sur leur célibat, alors même que les porteurs de tels jugements peuvent cacher un mal-être vécu dans leur ménage. Que chacun essaie de revenir à sa vérité sans se laisser influencer pour correspondre à une image projetée de l’extérieur.

Propos recueillis par Laure Malécot